Par Hélène DEVAUX rééducatrice en écriture (région de Lille)
Ecriture : A l’ère du numérique, des tablettes, ordinateurs et smartphones, est-il encore utile de savoir bien écrire ?
Les jeunes ne s’y trompent pas , selon l'étude réalisée par l'Ifop pour Oxford (reprise dans l'infographie), 75% des 12-25 ans pensent que l'écriture avec un papier et un stylo est irremplaçable.
Car les enjeux de l’écriture sont multiples, en voici 4 qui pour moi sont fondamentaux et doivent nous pousser à agir dès le plus jeune âge :
Développement des compétences cognitives : L'écriture manuscrite stimule le cerveau de manière différente de la frappe sur un clavier. Elle favorise la mémorisation et la compréhension, car le processus d'écrire à la main implique une coordination fine entre la pensée et le mouvement. Cela aide à renforcer les connexions neuronales et développe des compétences cognitives essentielles telles que l'attention, la concentration et la capacité à structurer et organiser les idées.
Amélioration de la lecture et de l'expression : L'écriture manuelle est intrinsèquement liée à la lecture. En apprenant à écrire, les enfants développent une meilleure reconnaissance des lettres, ce qui facilite l'apprentissage de la lecture. De plus, l'écriture est un moyen d'expression personnelle important. Elle permet non seulement de communiquer des idées, mais aussi de les clarifier et de les approfondir, ce qui est crucial dans tous les aspects de l'éducation.
Stimulation de la créativité : L'écriture manuscrite est un puissant outil de créativité. Le simple fait de prendre un crayon et de laisser libre cours à ses pensées sur le papier peut déclencher un processus créatif unique. Contrairement à la frappe sur un clavier, où les lettres sont uniformes et impersonnelles, l'écriture manuscrite permet une expression individuelle à travers la forme des lettres, l'agencement des mots et même la pression du stylo sur le papier. Cette liberté d'expression encourage l'exploration de nouvelles idées, la résolution créative de problèmes et l'expression personnelle, essentielle dans tous les domaines de l'apprentissage et de la vie professionnelle.
Bénéfices sur le long terme : Des compétences solides en écriture manuscrite sont bénéfiques tout au long de la vie. Elles ne se limitent pas au contexte scolaire, mais se révèlent utiles dans la vie professionnelle et personnelle. Une écriture claire et soignée est souvent perçue comme un signe de professionnalisme et de soin. De plus, la capacité à prendre des notes efficacement à la main est un atout dans de nombreux contextes, comme lors de réunions, de conférences ou d'études.
Les difficultés d'écriture sont effectivement un sujet complexe, impliquant une multitude de compétences et de facteurs. Ecrire n'est pas simplement une question de formation de lettres ou de mots. Cela implique diverses compétences interdépendantes :
Compétences phonologiques : La capacité à décomposer un mot en sons distincts, comme dans l'exemple "/b/ /a/ /t/ /o/". Cette compétence est cruciale pour comprendre comment les sons sont représentés par des lettres ou des combinaisons de lettres.
Compétences mnésiques et orthographiques : Se souvenir de l'orthographe d'un mot et choisir les bonnes graphies, par exemple, transformer les sons /b/ /a/ /t/ /o/ en « b » « a » « t » « eau ».
Compétences sensorielles et motrices : Tenir correctement un crayon et maintenir un tonus musculaire approprié, ni trop faible ni trop fort.
Compétences visuelles et de repérage dans l'espace : Viser les lignes sur une feuille et positionner correctement les lettres.
Compétences graphiques : Tracer des lettres de manière lisible et proportionnée
Quand on écrit une phrase complète, des compétences supplémentaires entrent en jeu, notamment grammaticales et syntaxiques. De plus, l'ensemble du processus d'écriture est soutenu par des compétences attentionnelles, rendant l'écriture une compétence extrêmement complexe.
Les difficultés peuvent survenir à un ou plusieurs de ces niveaux. Identifier le niveau spécifique où un enfant éprouve des difficultés est crucial pour apporter l'aide adéquate. Voici quelques exemples :
Difficultés phonologiques et orthographiques : Si un enfant a du mal à décomposer les sons ou à choisir les bons sons, une consultation avec un orthophoniste ou un logopède peut être utile.
Problèmes visuels : Des difficultés à viser les lignes, à copier du tableau, ou à calibrer les lettres peuvent indiquer un souci visuel, nécessitant un examen ophtalmologique ou orthoptique.
Problèmes de motricité fine : Si l'enfant a du mal à tenir son crayon, à maintenir une bonne posture, à gérer son tonus musculaire, ou à former des lettres, l'intervention d'un ergothérapeute, d'un psychomotricien, ou d'un graphothérapeute peut être bénéfique.
Comprendre et traiter les difficultés d'écriture nécessite donc une approche multidisciplinaire et personnalisée.
Ainsi, la rééducation de l’écriture, que ce soit à travers la graphopédagogie ou la graphothérapie, apparaît être bien plus qu’un simple levier d’apprentissage de la seule écriture.
Il s’agit d’aider non seulement à développer une écriture fluide, lisible et sans douleur, mais aussi d’aider à prendre confiance en soi, prendre plaisir et développer des stratégies de copie efficaces pour une scolarité réussie.
Pour moi, voici les 5 enjeux auxquels doivent répondre les séances de rééducation :
#1 REUSSITE : qui repose sur une collaboration étroite entre le thérapeute, l'apprenant et souvent ses parents.
#2 LUDIQUE : à travers des séances interactives qui peuvent inclure des jeux, des activités créatives et des exercices ciblés, tous conçus pour rendre l'apprentissage à la fois amusant et efficace.
#3 PERSONNALISE : l'objectif principal est d'aider l'enfant à développer une écriture qui lui soit propre, tout en assurant que celle-ci soit ergonomique et adaptée à ses besoins. Cela implique souvent de travailler sur différents paramètres liés à la vitesse d'écriture, la pression exercée sur le papier, et la fluidité des mouvements … à travers des exercices qui mobilisent :
la mobilité des doigts et plus largement la motricité fine,
la tenue du crayon,
la posture générale en situation d’écriture,
le placement de la feuille et le déplacement du bras,
la gestion de l’espace,
le tracé des lettres,
la stratégie de copie….
#4 CONFIANCE : En plus des améliorations techniques, la rééducation de l'écriture a également un impact positif sur la confiance en soi. Les progrès réalisés renforcent l'estime de soi, surtout chez les jeunes enfants qui peuvent se sentir frustrés ou embarrassés par leurs difficultés d'écriture.
#5 UNIQUE : Il est important de noter que chaque parcours de rééducation est unique et personnalisé. Un thérapeute qualifié saura adapter ses méthodes et techniques aux besoins spécifiques de chaque personne, assurant ainsi les meilleurs résultats possibles.
En somme, la rééducation de l'écriture n'est pas seulement une question d'amélioration de la calligraphie, c'est une démarche complète qui favorise le bien-être et l'autonomie dans l'expression écrite.
Comments